Japan Stickers War

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Vous l’avez sans doute déjà remarqué, la rue est un sujet qui me passionne (à quoi sert la rue, guide du piéton…). C’est l’endroit où je trouve la majorité de mes sujets mais plus encore, j’ai le sentiment qu’il s’y joue beaucoup plus de choses qu’il n’y semble de prime abord.

Aujourd’hui c’est de guerre dont je vais vous parler, de contrôle de territoire, d’occupation de l’espace public. Mais dans cette guerre point de morts ni de blessés. Les balles sont remplacées par des stickers et les armes par l’imagination.

De Tokyo à Osaka même combat :

Si l’on veut assister à ces batailles, il convient d’en identifier les lignes de front. A Tokyo il suffit d’arpenter shibuya, harajuku, akihabara à Osaka shinsaibashi et namba sont eux aussi “gangrénés” par ce mal de l’imagination.

C’est de guerre discrète dont il s’agit et pour en devenir spectateur, il convient d’arrêter de voir et de commencer à regarder.

Regarder sur les poteaux, derrière certains distributeurs, s’aventurer dans les rues moins passantes, s’arrêter sous un pont. Vous aurez alors droit à une explosion de Stickers qui se disputent ces précieux centimètres carrés.

Tout s’y mélange dans une totale anarchie. Ils sont petits, grands, simples, complexes, colorés, monochromes, dessinés à la main, figuratifs, revendicateurs, publicitaires.

Classifier l’anarchie :

Comme nous venons de l’évoquer au premier coup d’œil, il semble régner une énorme confusion dans cet enchevêtrement d’autocollants. En y regardant d’un peu plus près, il demeure cependant possible d’identifier plusieurs factions en présence accompagnées tout de même de certains francs tireurs parfaitement inclassables.

Les classiques :

Par classique j’entend ceux qui sont assez “normaux” pour ne pas rentrer dans une catégorie particulière. On y trouve beaucoup de choses. Beaucoup de personnages, certains renvoient à la culture nippone classique, d’autres la détournent, la réinterprètent. Cachent ils des messages ? Impossible de le dire.

Il s’agit d’un spectacle sans cesse renouvelé, et on se prend vite à chercher ses styles préférés.

Impossible de s’ennuyer donc.

Les messages :

Beaucoup de Stickers sont pourvus de messages. Allant du simple mot (souvent explicite) à la phrase complète, ils semblent se vouloir porteurs d’une certaine philosophie. A la manière du spot publicitaire, le sticker par sa reproduction aisée va pouvoir marteler son message aux quatre coins du quartier. Tous les jours de manière consciente ou non ces messages vont petit à petit s’imprimer dans votre esprit.

Au feutre :

j’aime beaucoup ces derniers. Ils sont réalisés au feutre (sur place ou à l’avance.). D’apparences plus “simplistes” ils se détachent cependant beaucoup plus facilement des autres Stickers et se révèlent souvent plus touchants que leurs congénères.

Si on s’attarde sur ces derniers on peut constater les coups de feutres, et une certaine vie en émane alors. Plus longs à réaliser en série ils sont aussi plus rares.

Démons et obscures engeances :

Cette thématique revient assez souvent dans les Stickers que j’ai pu trouver lors de mes excursions. La tête de mort y est dérivée à foison. Je l’évoquais en introduction, je pense que la rue nous en dit plus qu’on ne le croit. Outre l’impact évident que suscite ces représentations on peut s’interroger sur leur présence si importante. Dans cette catégorie on retrouve aussi une part du bestiaire nippon, à base de Tengu, de yokai et de monstres divers.

Les Stickers revendicatifs :

La rue a toujours été un lieu d’expression et de revendications politiques. S’il est difficile de comprendre comment celle ci peut apparaître au japon, certains Stickers sont clairement là pour exprimer des opinions politiques.

Le cas le plus connu est celui qui apparut après la catastrophe de Fukushima. Cette petite fille à l’air triste représentée sous une pluie radio active ou tenant une fleur au logo nucléaire à trois branches avait envahi l’espace public à Tokyo.

Aujourd’hui sa présence se fait beaucoup plus rare (reflet d’un essoufflement dans la revendication ?), on continue cependant encore à la trouver dans certains recoins de Tokyo (surtout à shibuya).

Les séries :

Il existe aussi des séries de personnages ou de logo que l’on va pouvoir retrouver déclinés aux quatre coins d’un quartier. Ces séries sont très intéressantes car elles nous permettent d’identifier la zone “d’influence” des artistes. On se rend ainsi compte que les zones d’actions sont très restreintes. Il est très rare de trouver des séries à travers toute la ville. Au contraire il s’agira d’une zone assez définie dans un quartier particulier.

Dans leur zone d’influence, il n’est pas rare de retrouver les mêmes Stickers dans d’importantes proportions, puis lorsque l’on traverse une grande artère ou un pont, ils cessent au profit d’autres artistes.

Les graphiques :

A l’inverse des Stickers à textes, ceux-là se contentent de représentations parfois abstraites ou purement graphiques. Ils sont extrêmement intéressants et souvent assez recherchés. Ils doivent pouvoir être auto-suffisants.

Il est parfois possible de comprendre une idée, un message mais c’est assez rare. Étonnamment ces Stickers ont souvent des formes moins conventionnelles que le rectangle ou le carré. On trouvera des formes ovales, rondes, ou des découpes suivant les lignes du sujet.

Les publicitaires :

japan's stickers war pub

Certains l’ont très bien compris, le Stickers peut être un fabuleux outil de communication. De fabrication aisée, peu chère, facile à diffuser et même parfois cool.

Ils peuvent être difficile à distinguer, cependant la plupart font explicitement mention d’une marque et d’une adresse de site internet. Ils m’intéressent un peu moins mais peuvent aussi être parfaitement créatifs et originaux.

Les hybrides :

Cette très forte densité de Stickers crée une certaine “rareté” de territoire. Aussi certains auront vite compris l’intérêt qu’il peut y avoir à réutiliser les créations d’autrui pour en faire quelque chose de neuf. Certains aussi dénaturent à dessein certains Stickers pour modifier ou détourner leur sens premiers. Il est donc parfois possible d’assister à une véritable “bataille” d’idées.

Dans cette catégorie j’ai aussi trouvé des Stickers qui utilisent comme support des documents officiels (récépissés, factures etc).

Les hybrides sont vraiment intéressants car ils montrent que l’on peut recycler les choses pour leur donner une nouvelle vie. De la politique à l’état pur je vous dis !

Les What the fuck :

le meilleurs pour la fin. Les inclassables, les trucs bizarros, sexuels, blasphématoires, ou tout simplement incompréhensibles. Ce sont de vrais bulles de bizarreries qui servent à ré-oxygéner l’ensemble.

Je pense que ça se passe de commentaires.

Les Senjafuda, l’origine du stickers japonais ?

Lorsque j’échangeais autour de ce futur article, une amie me fit remarquer que cette manie du Stickers lui faisait penser à ceux qui pouvaient parfois recouvrir certains temples. J’avais complètement fait abstraction de ce point qui devenait pourtant essentiel pour peut être percer les origines des Stickers japonais.

senjafuda temple

Alors que sont les Senjafuda ?

Cela veut littéralement dire “mille étiquettes de sanctuaires”. Ce sont des autocollants qui portent le nom du fidèle qui est venu visiter le temple. Le visiteur colle donc son nom dans le temple pour y montrer son passage.

En Europe nous pourrions considérer cela comme un acte de “vandalisme”, ici pas du tout. Ils sont au contraire affichés dans les endroits les plus visibles. Certains pourtant les collent dans des endroits plus cachés pour les préserver des intempéries et prolonger leur durée de vie.

Leur origine remonte à la période Heian (794-1185). Au début ils étaient confectionnés en latte de bois et accrochés sur les temples visités. Ce n’est qu’à la période Edo (1603-1868) qu’ils prennent la forme que nous connaissons maintenant.

Ils ont énormément évolués avec le temps, dans le passé, ils étaient aussi utilisés comme carte de visites. Les couleurs et motifs utilisés étaient étroitement liés à votre statut.

Ainsi le Stickers est depuis des temps anciens au japon une forme de revendication : “je suis allé ici”. Il existait déjà à l’époque une compétition pour pouvoir rester affiché le plus longtemps possible. Aussi certains pèlerins utilisaient leur canne de marche pour atteindre des endroits difficiles d’accès et se réserver les meilleurs endroits.

On retrouve énormément de points communs avec les Stickers modernes : revendication, expression graphique, guerre de territoire, zone d’influence.

En abordant cette question je croyais traiter de quelque chose de récent lié au Street art et finalement je me rends compte que cela s’inscrit dans une tradition déjà millénaire.

L’exploitation commerciale du Stickers :

Au japon il existe quelques magasins spécialisés dans les Stickers. Il en est un qui est assez connu au japon. B-side label. On retrouve un petit peu ce que nous avons vu dans la rue. Une grande variété dans les styles, des délires graphiques assez incroyables, un sens de l’esthétique assumé.

bsidelqbel

B-side label à Harajuku.

Se balader dans les rayons de Bside label est toujours un plaisir et même si les Stickers peuvent être assez chers, on finit toujours par craquer et en ramener un ou deux.

La différence, c’est qu’on perd énormément cette spontanéité et cette folie créatrice propre à la rue.

Une représentation vivante et permanente :

La prochaine fois que vous sortez dans la rue profitez du spectacle incroyable qui vous y est offert, il se renouvelle sans cesse, évolue, change, recycle, vous agresse, vous charme.

On parle souvent d’artère lorsqu’on parle de rue. Cela n’a jamais était aussi vrai, car c’est elle qui transporte le sang qui vient du cœur.

English version.

You probably already noticed, the street is a subject that I am passionate about (what is the street, pedestrian guide …). This is the place where I find the majority of my subjects and more, I have the feeling that there is much more to it than it seem at first sight.

Today I’ll talk about war, about control of territory, occupation of public space. But in this war neither dead nor wounded. Bullets are replaced by stickers and weapons by the imagination.

From Tokyo to Osaka same fight:

If we want to witness these battles, the front lines must be identified. In Tokyo it will be Shibuya, Harajuku, Akihabara in Osaka Shinsaibashi and Namba.
In this discreet war, it is advisable to stop to see and begin to look.
Look on the walls, behind some distributors, venturing into the less busy streets, stop under a bridge. Then, you will be the subject of an explosion of stickers that compete for these precious and rare space..
Everything is mixed up in total anarchy. They are small, large, simple, complex, colorful, monochrome, hand-drawn, figurative, demanding, advertising.

Classify the Anarchy:

As we have just mentioned at first glance, there seems to be a huge confusion in this tangle of stickers. Looking at it a little closer, however, it is still possible to identify several factions in presence, accompanied nevertheless by certain frank shooters perfectly unclassifiable.

The classics :

By classical I mean those who are quite “normal” not to fit into a particular category. There are many things there. Many characters, some refer to classical Japanese culture, others divert it, reinterpret it. Do they hide messages? Impossible to say.
It is a constantly renewed spectacle, and we quickly get into finding our favorite one.
Impossible to get bored.

The messages :

Many stickers are provided with messages. Ranging from the simple (often explicit) word to the complete sentence, they seem to want to carry a certain philosophy. Like the commercial, stickers are easy to replicate and will be able to hammer its message to the four corners of the district. Everyday consciously or not, these messages will gradually be imprinted in your mind.

The hand-drawn one :

I love these ones. They are made with felt pen (on site or in advance.). They looks more “simplistic”, however, they stand out much more easily from other stickers and are often more touching than their fellows.
If we focus on these ones, we can note the blows of felt pen, and then a certain life emanates. Longer to realize in series they are also rarer.

Demons and obscure beast :

This theme comes up quite often in the stickers that I could discover during my excursions. The skull is diverted from it abundantly. I mentioned it in the introduction, I think the street tells us more than we think. In addition to the obvious impact of these representations, we can question their so important appearance. In this category we also find a part of the Japanese bestiary, based on Tengu, yokai and various monsters.

The political stickers:

The street has always been a place of expression and political protests. While it is difficult to understand how it can appear in Japan, some stickers are clearly there to express political opinions.
The best known case is the one that appeared after the disaster of fukushima. This sad little girl depicted in an active radio rain or holding a flower with a three-pointed nuclear logo had invaded the public space in Tokyo.
Today its presence is much rarer (reflection of a shrinkage in the claim?), It is however still found in some corners of Tokyo (especially Shibuya).

The series :

There are also series of characters or logo that we will be able to find declined in the four corners of a district. These series are very interesting because they allow us to identify the zone “of influence” of the artists. It is thus realized that the zones of action are very restricted. It is very rare to find series throughout the city. On the contrary, it will be a fairly defined area in a particular neighborhood.
In their zone of influence, it is not uncommon to find the same sticker in large proportions, then when crossing a major artery or bridge, they cease for the benefit of other artists.

Graphics:

Unlike stickers with texts, they are purely graphic. They are extremely interesting and often quite complex. They must be self-sufficient.
It is sometimes possible to understand an idea, a message but it is quite rare. Surprisingly these stickers often have less conventional shapes than the rectangle or the square. Oval, round, or cut-out shapes can be found along the lines of the subject.

Advertisers :

Some have very well understood, the stickers can be a fabulous communication tool. Easy to manufacture, inexpensive, easy to diffuse and sometimes cool.
They may be difficult to distinguish, however most explicitly mention a brand and a website address. They interest me a little less but can also be perfectly creative and original.

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The hybrids:

This very high density of stickers creates a certain “rarity” of territory. So some quickly understood the benefit of reusing the creations of others to make something new. Some also deliberately misrepresent some stickers to alter or divert their original meaning. It is sometimes possible to witness a real “battle” of ideas.
In this category I also found stickers that use official documents (receipts, invoices etc) as support.
Hybrids are really interesting because they show that you can recycle things to give them a new life. When I tell you the street can be a political space!

The What the Fuck:

The best for the end. Unclassifiable, bizarre, sexual, blasphemous, or simply incomprehensible stuff. These are real bubbles of oddities that serve to re-oxygenate this world.
Words are useless to describe them.

The Senjafuda, the origin of the Japanese stickers?

When I exchanged about this future article, a friend told me that this mania of the stickers made him think of those who could sometimes cover certain temples. I had completely disregarded this point which was becoming essential for the perception of the origins of Japanese stickers.
So what are the senjafuda?
This literally means “thousand labels of sanctuaries”. These are stickers bearing the name of the faithful who came to visit the temple. The visitor sticks his name in the temple to show his passage.

senjafuda temple

In Europe we might consider it an act of “vandalism”, here not at all. On the contrary, they are displayed in the most visible places. Some, however, stick them in more hidden places to preserve them from the weather and prolong their life.
Their origin dates back to the Heian period (794-1185). At first they were made of wooden lath and hung on the temples visited. It is only in the Edo period (1603-1868) that they take the form that we know now.
They have evolved enormously over time, in the past they were also used as a visiting card. The colors and patterns used were closely related to your status.
So the stickers is from ancient times in Japan a form of claim: “I went here”. There was already a competition at the time to be able to remain posted as long as possible. Also some pilgrims used their walking stick to reach hard-to-reach places and reserve the best places.
There are a lot of similarities with modern stickers : claim, graphic expression, territorial war, zone of influence.
When I was writing this article, I thought I was dealing with something new related to street art and finally I realize that this is inscribed in a tradition already old of a thousand year.

The commercial exploitation of stickers:

In Japan there are a few stores specialized in stickers. One is well known in Japan : Bside label. There, you’ll find a little bit of what we saw in the street. A wide variety in styles, graphic delusions rather incredible, a sense of aesthetics assumed.
Walking in the shelves of Bside label is always a pleasure and even if the stickers can be quite expensive, you’ll always ends by cracking and bringing back one or two. 
The difference is that we lose enormously this spontaneity and that creative madness proper to the street.

bsidelqbel

A living and permanent representation:

The next time you go out on the street enjoy the incredible spectacle that is offered to you, it is constantly evolving, changing, recycling, charming you.
The street is often referred to as an artery. It has never been so true, for it is she who carries the blood that comes from the heart.

9 thoughts on “Japan Stickers War

    1. Merci. J’avoue que c’est une discussion avec une amie qui m’a apporté la relation. C’est tout le plaisir du processus de l’étude avant écriture.

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