Délices d’Izakaya.

On a déjà évoqué ces établissements au croisement du restaurant et du bar (Muraya), ils ressemblent finalement beaucoup aux bars à tapas espagnols. On y va entre amis pour passer un bon moment entre alcool et petits plats.

Il y a peu j’ai réalisé que ma pratique de l’izakaya était surtout axée sur l’aspect festif. C’est en effet un lieu où les japonais décompressent, rient fort,et enfin se laissent aller. C’est finalement par mimétisme que je me suis mis à consommer ces lieux de la sorte.

Si cet aspect est certainement essentiel, j’avais beaucoup minimisé le pendant gastronomique des lieux. Cela tenait surtout au fait que je privilégiais les soirées peu chères et arrosées. Il y a quelque temps pourtant un petit Izakaya de quartier qu’une amie me faisait découvrir se chargeait alors de rétablir certaines vérités.

Comme d’habitude j’étais surtout venu pour passer un bon moment entre amis pour une somme modique. Alors que le balais des petits plats commençait, mon attention quittait peu à peu les conversation pour s’attacher aux belles choses qui ornaient la table. C’est alors que mes papilles furent mises à douce épreuve.

Izakaya, vers l’infini et au delà :

Même s’il y a de grands standards dans la gastronomie d’Izakaya, le temps et l’expérience aident à comprendre qu’il peut y avoir une infinité de variations. Cela pourrait tenir, à la région, au standing, à la saison, ou encore à la personnalité du maître des lieux.

C’est finalement ce qui fait le sel de ces endroits. Chaque établissement pourra faire l’objet d’une exploration gastronomique nouvelle.

Les plats décrits ici ne sont donc représentatifs que de cette soirée et de cet établissement, il ne faut donc pas le prendre comme une espèce d’énumération exhaustive qui pourrait se rapporter à tous les Izakayas. C’est d’ailleurs à dessein que je n’ai pas évoqué les grands classiques dont j’avais longuement parlé lors de l’article sur l’izakaya Muraya.

Farandoles de plaisirs :

Il n’est pas toujours facile de comprendre ce que l’on a sous les yeux et la langue tant la culture gastronomique et le vocabulaire peuvent être différents. Je vais donc faire au mieux. Si certains d’entre vous notent des approximations ou choses étonnantes n’hésitez pas à venir enrichir ou corriger la chose.

Attrapez vos baguettes, et bon appétit.

Cream cheese no shutô :

Je pense qu’il n’est pas trop nécessaire de définir le cream-cheese. Passons donc à l’ingrédient mystère qui est le shutô. Il s’agit en règle général des entrailles de la bonite (petit thon) qui vont être salées et laissées fermentées pendant 6 mois. Il existe de nombreuses variantes dans la préparation.

laurent ibanez derriere la colline délices d'Izakaya cream chease shutou

simplicité, couleurs et goûts.

Le shutou vous pouvez donc l’imaginer est assez salé en bouche c’est pour cela qu’il sera souvent servi avec quelque chose pour en adoucir le goût comme du miel.

Ici on a choisi de le marier avec le fameux cream cheese. Les deux goûts fonctionnent très bien ensemble. Le fromage “casse” le côté salé du shutô qui est lui même relevé par ce dernier.

Beaucoup de japonais trouvent que cela se marie également très bien avec le sake.

Ce petit plat illustre assez clairement la façon dont cette gastronomie fonctionne. Souvent deux gouts simples sont mis en parralléle chacun apportant une note particulière.

Collier de poisson (Sériole) cuit à la grille :

laurent ibanez derriere la colline délices d'Izakaya collier de poisson

Légèrement grillée, la chair se décroche finalement très facilement avec des baguettes. Le poisson était servi avec une feuille de shiso (petite feuille accompagnant en général les plats de sushi ou de sashimi), ainsi qu’une purée de radis frais. Le radis ainsi servi vient aussi contrebalancer le côté salé du poisson. Le plat est très simple et fait penser au poisson grillé que l’on peut servir en France. La cuisson est cependant suffisamment maîtrisée pour que la chair ne soit pas sèche.

Foie blanc de poulet :

Le foie est cru. Il arrive déjà tranché. Il est recouvert de graines de sésame, d’un émincé d’oignon et de deux sauces (soja et non identifiée mais légèrement salée).

Je sais que beaucoup pourraient buter simplement sur la texture du plat, mais je vous assure, vous pouvez faire confiance aux japonais, ça marche très bien. Le goût du foie de poulet est très léger et fonctionne même sans accompagnement.

laurent ibanez derriere la colline délices d'Izakaya foie de poulet

L’alliance du sésame, de l’oignon et d’une des sauces vient doucement rehausser le goût. Ça fond littéralement en bouche.

Comme évoqué plus haut les goûts sont simples, sans fioritures, chaque chose semble être à sa place. Dans ces moment je le confesse je prêtais moins d’intérêt aux conversations qu’à ce qui se tenait au bout de mes baguettes.

Ginnan poêlé et salé :

Le Ginnan est en fait la noix du Ginko-biloba. Cet arbre est très répandue en Asie et prend de magnifiques couleurs dorées en automne. C’est d’ailleurs à ce moment que ses noix tombent au sol. J’avais déjà vu des papys et des mamies les glaner pendant la saison. Je me doutais donc que c’était comestible mais je n’avais jamais testé.

laurent ibanez derriere la colline délices d'Izakaya ginnam

Le Ginnan.

La texture est assez molle un peu comme un marron ou une châtaigne qu’on aurait fait griller. La saveur est légèrement sucrée dans un premier temps puis devient légèrement amère.

Le goût est assez étonnant. Apparemment c’est excellent pour la santé (cela compensera les quelques bières prises dans la soirée).

Chikuwaten : Tempura de Chikuwa.

Le chikuwa est quelque chose d’assez difficile à définir. Il s’agit d’un produit réalisé à partir d’une pâte composée de plusieurs ingrédients tels que du poisson, surimi, du sel, du sucre, de l’amidon et du blanc d’œuf (plusieurs recettes existent).

Une fois les ingrédients mixés, la pâte obtenue est fixée autour d’un bambou ou d’un tube métallique pour lui donner sa forme. Le nom même de Chikuwa (anneau de bambou) provient de cette pratique.

laurent ibanez derriere la colline délices d'Izakaya chikuwaten

Chikuwa en Tempura.

Le chikuwa est un snack peu cher et très répandu au japon. Ici nous avions la version tempura du Chikuwa accompagné d’une sauce soja et de mayonnaise.

Ce n’est pas le plat le plus recherché gustativement que nous ayons goûté de la soirée mais cela passait tout de même très bien avec une bière. Au niveau du goût, on était en effet assez proche d’un surimi frit.

Cela permet de nous souvenir qu’ici c’est surtout une cuisine populaire qui est servie.

Hotaru ika okizuke (seiche marinée) :

Le menu mentionnait ce nom exactement mais j’ai un petit doute. Ika c’est de la seiche. Mais hotaru Ika veut littéralement dire de la seiche luciole, cela fait en fait référence à une espèce de seiche bioluminescente. Donc je ne sais pas si c’était vraiment ce type d’animal que nous avons mangé.

Quant à Okizuke cela veut dire que la seiche a été marinée de un à trois jours dans le soja (du saké et des épices peuvent aussi être rajoutés dans la marinade).

laurent ibanez derriere la colline délices d'Izakaya Hotaru Ika Okizuke

Tout cela est bien-sûr cru. Ce fut peut être ce que j’ai préféré ce soir là. La seiche crue quand elle est seule ou juste avec une sauce soja peut être un peu fade, mais aprés avoir mariné ainsi tout avait changé. On conservait la texture et le goût initiaux mais ceux-ci s’étaient enrichis grâce au soja et autres ingrédients, un régal.

Le tout était accompagné d’une feuille de shiso et de filaments de radis frais et croquants.

Émincé de poitrine de poulet mi cuit :

Encore quelque chose auquel nos papilles ne sont que peu habituées, le poulet mi cuit. Cela suppose une grande qualité dans les produits. Au passage sachez que dans le sud du japon (kagoshima, miyazaki), on peut manger des sashimis de poulet.

D’ailleurs dans ce cas on y était presque sauf que les tranches étaient donc mi cuites. Le poulet était accompagné d’oignons émincés, d’une sauce soja et de différents types de sel.

laurent ibanez derriere la colline délices d'Izakaya emmincé poitrine poulet mi-cuit

Je ne devrais plus m’en étonner mais ça marche très bien. C’est toujours intéressant de voir comment les peuples peuvent aborder les choses sous des angles si différents, c’est une des richesses du voyage.

Assortiment de Sashimi :

Bon j’avoue là nous sommes en territoire connus et le sashimi est loin d’être l’apanage de l’Izakaya. Mais encore une fois ceux servis ici étaient extrêmement frais et succulents. Thon, saumon, et caviar de Saumon nous ont également régalés. Je ne pouvais pas ne pas en parler et ne pas vous en laisser une petite photo.

laurent ibanez derriere la colline délices d'Izakaya assiette de sashimis

Un plaisir populaire :

A l’énonciation de ces différents plats, on pourrait croire que j’ai alors fréquenté un lieu coté et cher. Pas le moins du monde. L’endroit était certes plus en gamme que d’habitude mais sachez qu’avec les consommations nous avons chacun acquitté une note oscillant entre 20 et 25 euros.

C’est la grande force de la culture culinaire japonaise : elle est populaire. Les japonais possèdent une éducation du goût et des plaisirs qu’ils poussent plus loin que tout ce que j’ai pu voir ailleurs.

laurent ibanez derriere la colline délices d'Izakaya menu

Le menu du soir.

Les restaurants sont pleins, les gens consomment et prennent véritablement du plaisir autour de la table. En ce sens français et japonais se ressemblent énormément mais ici cela semble prendre une place encore plus importante. De plus là où le restaurant reste pour nous un coût, il est pratiqué ici avec un rythme bien plus conséquent. Les prix semblent également souvent se dé-corréler de la popularité des lieux.

La passion que j’éprouve pour ce pan de leur culture croît avec les découvertes faites au quotidien. Soyez en sûrs, cet article aura des suites.

12 thoughts on “Délices d’Izakaya.

    1. Depuis que je vis au Japon, je n’ai jamais été malade. Je me dis aussi que si les japonais en mange depuis si longtemps c’est qu’ils savent ce qu’ils font. Je prends la confiance ^^

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  1. Bravo pour cet article… À mon prochain passage à Kyoto je me précipite à Muraya… Pour info j’en créé un chez moi dans le sud de la France…mais beaucoup plus modeste… à bientôt peut être…Enzo

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      1. au nord de Montpellier, 45kms environ près du lac du Salagou…Uniquement pour des moments privés…soirées repas à thème…Les aménagements se terminent…Si tu passes par là tu es le bienvenu…

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  2. Comme d’habitude, un article de qualité qui nous transporte directement sur place avec finesse d’observation, analyse culturelle et sociologie. Article qui une fois lu, nous donne cruellement envie d’aller plus loin, c’est à dire là bas!! Merci!! ^_^

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