Un japon au quotidien

Au début cet article devait s’appeler LE japon au quotidien, mais très vite ce titre est apparu fallacieux et en opposition profonde avec le fond même de l’article. En effet dire LE japon sous entendrait qu’il n’en existe qu’un seul, qu’une espèce de vérité universelle pourrait se dégager de ce pays et que par une certaine providence j’en serais un peu le détenteur.

Or c’est tout le contraire dont il s’agit. A travers cet article j’aimerais montrer à quel point la vie de tous les jours peut être différente de ce qu’on montre en général. Lorsqu’on s’établit quelque part et que la quotidien s’installe, on perd certes une partie de la magie de la découverte. Mais tout n’est pas si noir car des choses plus humbles, plus discrètes finissent par se révéler lorsqu’elles sont soumises à la loupe de la routine.

Pour ce faire j’avais envie d’aborder ces petits lieux qui rythment véritablement la vie de tous les jours dans un quartier comme tant d’autre au Japon. Ainsi les endroits évoqués et photographiés se situent tous à moins de 10 minutes à vélo de chez moi.

Cela brossera un portrait peut être moins flamboyant et incroyable que ce que vous pouvez voir d’habitude sur ce pays mais à coup sûr un peu plus ancré dans une certaine réalité.

Kamishinjo, un quartier comme beaucoup d’autres :

J’ai déjà évoqué ce quartier dans l’article consacré à la recherche d’un appartement au Japon.

Il se situe dans la banlieue d’Osaka et n’a rien d’exceptionnel à première vue. Il possède juste cette incroyable vie de quartier et une multitude de commerces qui s’organisent plus ou moins autour de la gare, point souvent névralgique de chaque quartier. Ici beaucoup de gens n’ont pas de voiture et dépendent presque entièrement de ce moyen de transport.

C’est donc autour de ce lieu que se concentre la plus grande activité. Autour de celle-ci on trouvera pèle-mêle club de sport, restauration rapide, école, et agences immobilières.

La métaphore est tentante, les trains sur leurs rails nous donnent le pouls de la ville. Haletant la journée, avec des pics le matin et en fin de journée puis soudainement plus calme lorsque la ville s’endort.

Des petits commerces encore très présents au Japon :

De manière assez surprenante, il existe ici encore énormément de petits commerces. Tout cela semble s’insérer dans une vie de quartier très solide et organisée. Il est pratiquement possible de trouver tout ce dont on a besoin sans avoir à sortir du quartier. La notion de service de proximité est très forte.

Il y a beaucoup de choses ici que l’on retrouve assez naturellement en nos contrées aussi On se concentrera sur ce qui, tout en étant banal ici, est plus étonnant pour nous.

Les vendeurs de riz :

Il ne me semble pas nécessaire d’expliquer la place que tient le riz dans la société japonaise. Aussi au détour d’une rue bordée d’habitations il n’est pas rare de trouver ces petites boutiques arborant fièrement l’idéogramme du riz 米 (kome).

Dans cette boutique qui est le plus souvent le rez-de-chaussée de la maison du tenancier, on trouve un ensemble de riz provenant de plusieurs régions du Japon.

Très souvent ils reçoivent d’énormes sacs qu’ils reconditionnent eux mêmes.

Ces boutiques sont assez rares dans les grands centres, mais dès que l’on s’éloigne un peu elles refleurissent dans les zones d’habitations.

laurent ibanez derriere la colline japon au quotidien magazin de riz

Une maison de quartier dont le rdc a été transformé en commerce.

Les fabricants/réparateurs de Tatami : 

Il ne faut pas croire, les tatamis ne sont pas réservés qu’aux habitats traditionnels. On peut encore en trouver dans des constructions modernes. Des amis m’ont cependant confié qu’ils sont de moins en moins populaires. Cela s’explique surtout par le fait que cela peut être assez contraignant. En effet un tatami est quelque chose d’organique. Il faut en prendre soin. On doit aérer régulièrement, il ne faut pas les mouiller et on ne peut déposer de choses trop lourdes dessus (comme un lit occidental).

Au bout d’un moment ils finissent par s’user et il devient nécessaire de les changer.

Il existe donc quelques boutiques dotées d’étranges instruments qui serviront à leur fabrication. Encore une fois ces boutiques occupent souvent le rdc d’une maison classique. Ces lieux semblent se faire de plus en plus rare, mais on en trouve encore par ci par là.

J’aime beaucoup les regarder travailler, même si je ne comprends pas vraiment à quoi correspondent chacun de leurs gestes.

laurent ibanez derriere la colline japon au quotidien réparateur portes

Ce jour là, comme pour me faire mentir, ce sont des portes coulissantes qu’il réparait.

Les vendeurs de mangas d’occasion :

Un peu comme le riz, les mangas font ici partie de la vie de tous les jours. Si l’on en fait une consommation importante, cela peut vite revenir cher. Surtout pour les petites bourses. Il existe donc tout un marché secondaire. Vite lus, vite revendus. On trouve donc quelques boutiques par ci par là revendant ces vieux mangas à prix cassés. Celui qui se situe près de chez moi et vraiment intéressant. L’endroit est tout petit, possédant d’innombrables étagères surchargées de livres. J’aime particulièrement passer devant le soir venu. Il s’en dégage une ambiance toute particulière. J’enrage d’être si peu capable de lire, car je suis convaincu que je passe à côté d’innombrables pépites.

laurent ibanez derriere la colline japon au quotidien mangas

tout plein de choses à petits prix.

Les vendeurs de vélos d’occasion :

Si les japonais utilisent beaucoup le train, dès qu’il s’agit de petites distances, le vélo redevient un outil de choix. On en croise énormément dans ces petits quartiers et les zones bordant les gares sont souvent utilisées comme parkings à vélo.

laurent ibanez derriere la colline japon au quotidien parking velo

Les parkings à vélo pullulent dans les banlieues.

Il y a donc beaucoup de boutiques spécialisées dans les deux roues. Pour réparer ces derniers lorsque cela est nécessaire, mais aussi pour vous en vendre.

Un mamachari (le vélo de grand mère) se vend entre 5000 et 10000 yens (40 à 80 euros). C’est une des premières choses que j’ai faite en arrivant dans le quartier. Faire le tour des vendeurs de vélo et acheter une magnifique antiquité dont les roues bleues m’avaient tapées à l’œil.

On me conseillera d’acheter un antivol car il semble que cela soit la seule chose qui se vole assez bien dans le quartier.

laurent ibanez derriere la colline japon au quotidien vélos

Les vélos d’occasions sont très facile à se procurer ici.

Les recycle shop :

On vient de le voir avec les vélos et les mangas, le marché de l’occasion est très développé au Japon. On trouve donc beaucoup de petites boutiques proposant de l’électroménager et tout ce qu’il faut pour équiper la maison à moindre prix.

Comme pour le vélo, lorsqu’il à fallu équiper l’appartement, nous avons eu recours à ces boutiques pour acheter, frigo, machine à laver et gazinière.

Ces magasins proposent souvent de vous livrer les objets pour des sommes modiques. On retrouve cette notion de proximité qui facilite vraiment la vie.

Dans kamishinjo j’en ai déjà repéré trois et je suis sûr que d’autres existent ailleurs.

Les Sentos :

Le sento est un bain d’eau chaude. Mais à la différence du Onsen l’eau ne provient pas d’une source géothermique et n’est donc ni naturellement chaude ni chargée de minéraux particuliers.

C’est un peu le parent pauvre du Onsen, mais il est beaucoup plus répandu dans le Japon et souvent moins cher. C’est un moment convivial important pour les gens du quartier.

Pour les trouver il faut reperer le signe ゆ (yu) signifiant eau chaude. Il y a une autre technique qui consiste le soir venu à suivre les gens se baladant avec une serviette et tout le nécessaire pour la toilette. Je vous vois sourire mais sachez que j’en ai trouvé un certain nombre de la sorte.

Les sentos sont souvent assez anciens et pas toujours dans le meilleur état, mais cette ambiance surannée leur donne un charme tout particulier. Celui où je vais offre plusieurs bains, un sauna et un petit hammam pour 450 yens. Il ferme vers minuit ce qui permet d’y aller juste avant de dormir, un vrai bonheur.

laurent ibanez derriere la colline japon au quotidien sento

Le signe se lit YOU et indique à coup sur des bains publics.

Les shotengaïs :

Ce sont ces grandes allées commerçantes qui sont trè souvent couvertes. Il en existe de très célèbres à travers le Japon. La plus longue se situe à Osaka et mesure plusieurs kilomètres. Il faut savoir que dans la vie de tous les jours cela est beaucoup plus humble.

Des shotengaïs il en existe énormément et de toutes les tailles. C’est aussi le cas dans ce petit quartier. Elle ne doit faire qu’une centaine de mètres et son activité semble au point mort mais elle est là.

Dans une shotengaï on trouve de tout, petits magasins, restauration, coiffeurs etc. C’est une ville dans la ville où jamais il ne pleut ! Quoi que je ne parierais pas trop sur l’étanchéité de la toiture de celle de mon quartier.

laurent ibanez derriere la colline japon au quotidien shotengai

La très classique shotengaï de Kamishinjo.

Les Izakayas :

J’ai déjà pas mal évoqué ces lieux dans cet article. Ces lieux entre bar et restaurant ou l’on boit après le travail tout en grignotant un tas de petits plats sont à eux seuls un pan entier de la culture japonaise.

On a toujours plaisir à les trouver en grande quantité dans le quartier. Que ce soit des chaînes célèbres ou de petites enseignes, il y aura à coup sûr quelque chose qui correspondra à vos attentes. Il est donc aussi possible de sortir et de se divertir sans même avoir à prendre le train.

Lorsque je vivais à Tokyo j’aimais tellement mon quartier que je n’éprouvais même plus le besoin d’en sortir pour me divertir.

Les temples :

Il est impossible de parler de la vie de tous les jours et de ne pas évoquer le rôle des temples. Ils sont très nombreux, et de toutes les tailles. Ils animent certes la vie spirituelle du quartier mais pas seulement. Ce sont souvent des espaces verts, ouverts dans la ville. Les enfants y jouent, les gens y passent, s’y arrêtent. C’est aussi là où se passent les fêtes, les activités de quartier, les marchés aux puces. Il s’agit d’un centre de vie autour duquel la vie de quartier vient se cristalliser (qu’elle soit croyante ou pas).

laurent ibanez derriere la colline japon au quotidien temple

à moins d’une minute de l’appartement.

Une vie pratique et agréable :

J’étais un peu inquiet en arrivant dans ce que je croyais être une simple banlieue d’Osaka sans âme ni spécificité. Il ne fallut cependant que peu de temps pour réaliser la richesse du lieu. Il n’est certes pas très beau et ne foisonne pas d’activités incroyables mais les habitants ont su en faire quelque chose d’agréable où finalement il fait assez bon vivre.

L’ambiance est trés différente de ce que j’ai pu vivre dans des banlieues de grandes villes en France ou à l’étranger.

“La poésie, c’est la prise en charge du quotidien, c’est la découverte du présent dans ce qu’habituellement on cherche à fuir”.

Pierre Gravel.

20 thoughts on “Un japon au quotidien

  1. Bonjour
    J’ai été étonnée lorsque tu parlais de l’achat d’un anti vol pour vélo, car le vol de velo était chose … courante.
    Moi qui pensais que les japonais n’étaient pas des voleurs … du moins, c’est ce que l’on nous dit dans des reportages sur le Japon ici ou là …

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    1. Cela n’est pas très courant mais possible. Il y a toujours des gens qui laissent leurs vélos sans antivols pour acheter un truc à la superette du coin mais si tu le laisses un certain temps il est possible qu’un type un peu bourré l’utilise pour rentrer chez lui (et le laisser n’importe où). Les vélos haut de gamme peuvent se faire vraiment voler dans certains quartiers tels que Shibuya, Shinjuku ou Roppongi à Tokyo.

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      1. Merci romjpn, c’est exactement ça !
        Les vélos étant immatriculés c’est pas évident de les conserver après.
        Mais ça n’a pas l’air d’être aussi fréquent qu’en France.

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  2. Bonjour,

    Voila un article vraiment intéressant et abordé sous un angle qui me plait ! Bravo !
    J’ai moi-même pas mal voyagé au Japon et découvert le quotidien au travers des familles d’accueil, d’un grand voyage à vélo,… J’ai créé comme vous un site pour partager cette expérience, si cela vous intéresse voici l’adresse du site :

    https://untouraujapon.wordpress.com/

    Bonne journée, et encore bravo pour votre article !
    Thomas

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  3. Merci pour ce très bel article. C’était un plaisir de découvrir toutes ces petites choses du quotidien lorsque l’on vit au Japon. Même si cela reste ton expérience et que c’est forcément différent pour chacun, cela reste tout de même très instructif, merci beaucoup! 🙂

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